mercredi 15 octobre 2008

une Maison de Thé à Paris: Jugetsudo

Article en version integrale extrait du Figaro Madame 15oct08, par Lucile Escourrou

"De la rue de Seine au Mont Fuji, il n’y a qu’un pas. C’est du moins l’impression que procure ce comptoir de thé, nouveau havre de paix et de sérénité en plein Saint-Germain-des-Prés.

Des bambous et des galets pour seul ornement. « L’endroit d’où l’on regarde la lune », Jugetsudo en japonais, vient à peine d’ouvrir que les curieux et les amoureux du Japon s’y pressent déjà. « Pour nous, le thé est bien plus qu’une boisson, il a une dimension culturelle. Les Français, qui ont eux-mêmes une culture très riche, le comprennent », précise Maki Maruyama, la directrice.
Au centre, sous un étonnant plafond de tiges de bambou, un vaste comptoir accueille les visiteurs. Les novices s’essayent au Sencha, un thé « équilibré entre le doux et l’amer, celui que l’on boit toute la journée », précise Maki. Les plus expérimentés choisissent un Gyokuro, « un grand cru infiniment plus doux que les autres thés verts ». Chaque bol est accompagné d’un financier signé Mulot, ou encore un cake aux haricots rouges venu de chez Toraya, le temple de la pâtisserie japonaise à Paris.
Dès novembre, curieux et connaisseurs pourront participer à une cérémonie du thé, dirigée par un maître de cet art millénaire. Ce voyage lointain se déroulera le samedi, sous la voûte de l’espace en sous-sol. Et sans décalage horaire."

Jugetsudo by Maruyama Nori, 95 rue de Seine, 75006 Paris
Tél : 01 46 33 96 90
www.jugetsudo.fr

vendredi 3 octobre 2008

Sonia Rykiel, 40 ans de "mode par hasard"

LeMonde.fr / 2oct08 / par


"A 22 heures passées, sous la tente en miroirs noirs et néons rouge fluo, 540 convives dînaient joyeusement. Souper fin, champagne, nappes blanches, porcelaine et argenterie, le défilé tardait, mais personne ne s'en souciait quand les filles ont déboulé en dansant sur le podium passé minuit. Cheveux mousseux à la Sonia, lunettes hublots, mains dans les poches d'une salopette, pull rayé et béret clinquant, les mannequins ont défilé en dansant.

"JE NE SAVAIS RIEN"

Tous les codes de la griffe y sont passés, les couleurs poudre, rouge, violet, les rayures en trompe-l'oeil sur les robes de mousselines, les clous sur les sandales plates-formes et les blousons motard, jusqu'aux robes gitanes à volants de marabout. La surprise était pour le final : l'énergique Nathalie, sa fille, présidente et directrice artistique du groupe familial, annonçait trente mannequins habillés en Rykiel par trente couturiers, parmi les plus courus, de la plus drôle, tricotant un pull XXL, la pelote de laine sur un chariot à roulettes, signée Gaultier, à la plus raffinée, bustier drapé aux volants animés de plumes de paon signée Cavalli. Le podium s'est couvert de roses rouges, on a chanté "Happy Birthday Sonia".

"J'ai fait de la mode par hasard, confiait la créatrice, fin septembre, dans son bureau mansardé du boulevard Saint-Germain, j'avais envie d'être différente." Tout commence le jour où elle commande, chez un fournisseur de son mari, un pull tout étriqué. Il sera à la "une" du magazine Elle. La voilà baptisée "Reine du tricot". "Je n'avais aucun acquis, à part les couleurs, je ne savais rien", lâche-t-elle. Lourde frange rouge feu au ras des yeux, et une énergie à partager, Sonia Rykiel revendique son côté intello : "Mon fil conducteur, c'est la politique, j'organise le vêtement avec les drames du moment, toujours avec un peu d'ironie, de la tendresse et une espèce de fraîcheur." Son credo : la "démode". "C'est s'habiller devant un miroir. Montrer ce qu'on a de beau. Cacher ce qu'on a de laid. Il faut désordonner ce qu'on fait, nous, les couturiers."

Elle a jeté des mots sur une feuille blanche, pour raconter ses quarante ans. Un poème à la Breton qui commence par rayées, se termine par paix."

"Vu d'ailleurs - BHL contre Houellebecq"

article extrait de: lepoint.fr
Le 2 oct. 08, par Jacques-Pierre Amette
"Selon le journaliste de Time Donald Morrison, la culture française est morte et n'intéresse plus personne. Il suffit d'ouvrir la presse anglo-saxonne, qui commente le livre d'échanges entre Bernard-Henri Lévy et Michel Houellebecq, pour s'apercevoir du contraire...

Y a-t-il encore une culture française ? C'est la question que pose un journaliste américain, Donald Morrison, correspondant du magazine américain Time, dans un livre pamphlet, « Que reste-t-il de la culture française ? » (1).

En poste depuis cinq ans à Paris, ce journaliste de 60 ans n'apporte aucune révélation. On le sait bien que les éditeurs américains traduisent peu nos écrivains. Que nos films sont en bas du box-office (en 2007, 2 millions de spectateurs de moins qu'en 2006 dans le monde entier). Que le théâtre français n'est connu que par une pièce, « Art », de Yasmina Reza, à Broadway. Que les arts plastiques ne pèsent rien sur le marché de l'art. Alors, que reste-t-il ? Nos architectes, nos DJ de la French touch et nos cuisiniers qui inspirent « Ratatouille ». Selon Morrison, nos écrivains « se tiennent à l'écart du monde réel [...]. Les romans français contemporains gardent souvent un caractère expérimental, autoréférentiel, claustrophobique, si ce n'est nombriliste ».

Tout n'est pas faux dans ce diagnostic. Il rejoint d'ailleurs celui d'un Marc Fumaroli, d'un Renaud Camus, d'un Maurice Druon. Déclin économique et déclin culturel vont de pair. Alors, avons-nous disparu de la scène culturelle ? La presse anglo-saxonne est plus nuancée. Dans le Washington Post , le grand critique littéraire Michael Dirda fait l'éloge de « L'élégance du hérisson » de Muriel Barbery. Ce roman, qui, en France, se trouve pour la 106e semaine en tête du box-office, est acclamé partout où il est traduit.

C'est une évidence : la vie intellectuelle parisienne continue de passionner. Il suffit que Le Journal du dimanche révèle dans son édition du 21 septembre que le fameux « livre mystère » écrit à quatre mains, « Ennemis publics » (2), est signé par BHL et Houellebecq pour qu'aussitôt les presses européenne et américaine se fassent l'écho de cette information. Cette curiosité est un paradoxe car les journalistes sont excités par un livre que personne n'a encore lu.

Dès le 23 septembre, The Independent anglais titre savoureusement « Le choc des titans littéraires » et précise : « C'est un remake de "Godzilla contre King Kong" . »« débraillé et flou personnage » , de « Droopy fatigué » , que même sa mère a répudié. L'idée qu'un Bernard-Henri Lévy, flamboyant défenseur des droits de l'homme, échange un courriel avec l'écrivain de la déprime, un nihiliste qui dénonce le sexe flapi, étonne et, au fond, ravit. Le dandy à chemise blanche impeccable contre le clochard en parka : voilà le ton général. La presse internationale remarque aussi que, grâce à une campagne habile de rumeurs menée par l'éditrice Teresa Cremisi, patronne des éditions Flammarion, le Tout-Paris littéraire a multiplié les interrogations sur les auteurs du livre, donnant lieu à des spéculations extravagantes : même le nom de la première dame, Carla Bruni, qui avait mis en musique sa « Possibilité d'une île », tandis que l'écrivain confessait s'être droitisé, a été prononcé. Houellebecq est traité de

Pour la presse étrangère, Saint-Germain-des-Prés est la dernière réserve d'une tribu fascinante par ses querelles, ses polémiques, ses conversations, ses emballements, ses personnages originaux, ses coteries, ses tempêtes dans une tasse de café du Flore ; mais cela reste un endroit historique où l'esprit, le jeu, le culot, le commerce et le tapage français sont excitants. On suit donc avec une grande attention le dialogue du « moraliste des droits de l'homme » (The Independent) avec un Houellebecq qualifié, dans les pages culturelles du Zeit , du « meilleur et plus étonnant article d'exportation littéraire depuis l'extinction des avant-gardes et du Nouveau Roman » . Là aussi on se demande par quel étrange mécanisme le romancier spectral des « Particules élémentaires », avec ses allures de loir en hibernation, celui qui a insulté l'islam, peut-il discuter avec le philosophe. Y a-t-il, s'interrogent ces observateurs, un terrain d'entente, des affinités entre le dépressif Houellebecq et le BHL pro-américain, figure noble de l'intellectuel engagé post-sartrien ? Il y avait longtemps que la presse étrangère ne s'était autant intéressée à nos figures culturelles majeures, éclipsant, d'ailleurs, au passage, le reste de la rentrée littéraire. A la question de Morrison : « Que reste- t-il de la culture française ? », on est tenté de répondre : sinon de bonnes batailles d'idées, de bonnes idées de bataille "





1. « Que reste-t-il de la culture ? », de Donald Morrison, suivi de « Le souci de la grandeur », d'Antoine Compagnon (Denoël, 204 pages, 13 E).





2. « Ennemis publics », de Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy (Flammarion/Grasset, 336 pages, 20 E). En librairie le 8 octobre.


 
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